Serafe AG est basée à 8088 Pfäffikon, petite ville de la rive sud du lac de Zürich mais appartenant au canton de Schwitz. Suite à une votation fédérale, cette société fut désignée par une autorité publique pour gérer la collecte d’argent servant à financer les médias dits de service public. Chose pour le moins inquiétante dite entre parenthèse car ce n’est pas le sujet, après acceptation d’une loi par la population, celle-ci se désintéresse totalement de la manière dont la loi est mise en oeuvre, de la nature des entreprises mandatées, etc… On aurait pu mandater une chèvre pour gérer notre argent que personne ne s’en serait aperçu. Dans le cas de Serafe, quasi aucun média n’a jugé utile d’en savoir plus sur l’entreprise, son personnel et son patron en particulier.

Premièrement, une recherche sur le patron de Serafe ne donne pas grand chose, seul apparaît sur le site de la société, la mention de son nom : Daniel Schweizer (DS). Du côté de la presse, c’est le néant, mais il existe tout de même une interview en allemand de lui dans un article¹¹ du blick, daté du 4 décembre 2019. L’article en question n’est pas très éloquent, il ne fait que confirmer le caractère secret de DS sans toutefois s’autoriser à chercher plus loin. Pour le reste tout ce qu’on apprend est qu’il a 57 ans au moment de l’article, qu’il a travaillé « pour ce qui est actuellement UBS »,  ainsi que dans une « société d’investissement » [ « Invest-Vehikel » en allemand dans le texte original ] appelés  Horizon21 (H21), et qu’il a également été président d’une branche de cette même société appelée Active Alpha (AA). Le reste de l’article étant sans intérêt.

Il s’agit là d’une des rares publications médiatique au sujet de Serafe. Nous pouvons nous poser la question : pourquoi une entreprise ayant été mandatée par un service public, (OFCOM) suite à une votation populaire, fait-elle preuve d’autant d’opacité médiatique ? Et en particulier pourquoi le patron de cette entreprise tient-il tant à rester à couvert ?

En quête de plus d’informations sur DS, allons voir les sites de ces deux entreprises… Deux sites très vides, au design d’il y a 15 ans, vraisemblablement du même webmaster. Tellement vide que cela interpelle, comme si les sites avaient été nettoyés de toute information compromettante. Et puis on trouve assez facilement la réponse : sur le site de AA, un lien vers un rapport en PDF indique que cette société gère un fonds spéculatif basé aux Iles Caiman, géré depuis Zurich, administré depuis Dublin et dont le courtier principal est la Morgan Stanley¹². Ce rapport n’est destiné qu’aux investisseurs existants, les nouveaux investisseurs sont interdit. Ce type de fonds étant directement liés à la crise des Subprimes ayant été fortement régulés.

Cette histoire de fonds spéculatif n’a rien de bien méchant, mais j’avais tout de même envie d’en savoir plus. J’ai fait des recherches sur le site archive.org pour consulter les version antérieurs des sites mentionnés ci-dessus. J’ai également fait des recherches sur la société Serafe, les connexions avec DS que ce soit personnes ou entreprises. Pour cela j’ai utilisé des outils de « monitoring » en ligne tels que business-monitor.ch , moneyhouse.ch et d’autres dans leurs versions gratuites. Afin d’aller plus rapidement, la suite de cet article sera sous la forme d’une liste non exhaustive d’informations recueillies. Voici donc ce que nous pouvons dire sur DS et ces connexions:

Qu’est-ce qu’une société de gestion de fonds alternatif ?
Les sociétés H21 et AA, la spinoff personnelle de DS sont des sociétés d’investissement alternatif qui gèrent des fonds spéculatifs (hedge funds). Ces investissements peuvent faire gagner gros… ou perdre gros. H21 gère actuellement officiellement encore 2 fonds mais par le passé il y en avait plus. Le business semble avoir été très florissant pour eux avant la crise des surprimes, (et c’est précisément ce type d’investissement qui a engendré la crise des Subprimes, voir plus bas sur UBS). La société possède à cette époque plusieurs bureaux (Pfäffikon, Londre, Bratislava, Cayman). La gestion des fonds se fait depuis les îles Cayman. Le bureau suisse n’est qu’une sorte de guichet. Pour donner une idée, la société H21 enregistre un capital de 5 mio au registre du commerce (actuellement encore), mais un ex collaborateur, dans un CV récent ou il mentionne avoir travaillé pour H21, explique que la société gérait jusqu’à 12 milliards de CHF.¹

La société AA est une Spin-off, créée par DS en juillet 2010. Même structure, même adresse que H21, même succursale aux Caymans. Très active jusqu’à 2012, puis, plus d’activité. On verra pourquoi plus bas. Elle est actuellement en liquidation.

Chose importante à comprendre également : la société qui gère le fonds (H21 ET AA), gagne son argent sur les frais ainsi que sur des sortes de commissions déguisées appelés « performance fees ». Donc si le fonds explose en plein vol, le gestionnaire ne perd que sa réputation. Ce qui lui est préjudiciable puisqu’à terme il peut être contraint à abandonner ce business et changer d’occupation.

Les C.V. de Daniel Schweizer
Des C.V. de DS peuvent être trouvés sur les sites de H21 et AA⁸. Je souhaitais placer ici son portrait et un téléchargement direct de ces C.V. mais je préfère m’abstenir pour des raisons de droit.
Ces C.V. nous apprennent que ce monsieur a été directeur adjoint du département « Alternative & Quantitative investement » de la banque UBS de 2003 à 2006. Il vivait et travaillait aux USA.

Horizon21: Rainer-Marc Frey, le fondateur
Avant de passer à l’implication de DS à H21, un rapide coup d’œil sur le passé de cette société, car c’est en quelque sorte le plat de résistance de cet article. Au cours de son existence, H21 a été subdivisé en en grand nombre de branches, inscrites au registre du commerce. Le gros ces branches sont crées aux alentours de 2004, sous l’impulsion d’un certain Rainer-Marc Frey, financier et sois-disant philanthrope. Une des grandes fortunes de suisse dont on peut trouver ici et là, sur des sites web spécialisés (à l’heure actuelle en 2023) , des articles faisant éloge de sa fortune et de ses investissements. Au moment de la création de H21, DS n’est pas impliqué, il viendra plus tard. On trouve également un autre protagoniste dans la fondation de H21: Andreas Casutt. Ayant obtenu son master en droit à l’Université du Michigan, ce personnage travaille pour le cabinet d’avocats Niederer Kraft & Frey [NKF]. Un des cabinet importants de Suisse, ayant reçu de nombreux « Awards » de la part de la finance globaliste, partenaire de la Swiss American Chamber of Commerce³, et souvent cité sur les dossiers les plus lourds de l’actualité financière. Consultez cette page pour vous faire une idée.

Horizon21 à sa création.
À sa création, vers mi-2004 Horizon21 englobe en fait 5 branches chacune enregistrées au registre du commerce en SA: chacune constituant un véhicule d’investissement (un Fonds):

Horizon21
Wealth Management
Alternative investments
Active Alpha⁴
Private Equity
Special Opportunities

Précisons que ces branches sont en fait divisées en 2 parties : la gestion et le Holding. Cela fait donc 12 sociétés. À sa création, donc, la totalité capitaux action des sociétés de H21 vaut 171M dont 165M pour les « Holding », c’est à dire la quasi-totalité. Toutes ces sociétés sont créées par les personnes citées plus haut.

L’ascension et les fusions, jusqu’à aujourd’hui
Vers début 2007, le capital action est passé de 171M à 211.5M. Puis vers 2008, commence une série d’absorptions [de ses propres succursales], changements de nom, ajouts de sociétés, puis fusions façon gigogne, jusqu’en 2011. Passons les détail mais on peut bien observer que la crise des surprimes a fait couler pas mal de sueur. Au bout de ces fusions, il ne reste plus que deux SA inscrites : Horizon21, modeste car regroupant la partie administrative, et SO Holding, regroupant les Holdings restants. À mi-2011, après la dernière fusion, SO Holding annonce 80M de capital action, le capital reste inchangé et SO Holding existe encore (2023) . Bien sur ces données ne disent pas grand chose ni sur le bilan de la société ni sur ce qui a été gagné ou perdu par les membres. Deux autres chiffres nous donne une idée: Les actifs et dettes reçue lors des fusions : Lors de la fusion groupée de mai 2010, Horizon21 AG reçoit 57.6M d’actifs et 33.1 de dettes. Lors de la dernière fusion des société Holding, en une seule, a mi-2011, SO Holding AG reçoit 159.4M d’actifs et 0.03M de dettes de la société absorbée. Comme expliqué plus haut, H21 gagne sur la gestion des fonds et les commissions. Bien qu’elle ait probablement ruiné ses investisseurs, la société n’a pas fait faillite, mais elle se fait bien plus discrète. Aujourd’hui [2023] le site web est réduit au strict minimum et le registre du commerce ne mentionne aucun changement depuis 2011. Ils gèrent probablement un nombre plus restreint de fonds et avec moins de risque, de façon discrète.

L’activité de DS à H21
Ayant pris connaissance de l’histoire de H21, voyons quel rôle y a joué DS
DS entre à H21 aux alentours de 2006. Dès son arrivée, il occupe une place importante dans la société et devient même directeur (CEO) de 2008 à 2010. Il était également à la tête des secteurs suivants de l’entreprise durant cette période : H21 Wealth Management, H21 Private Equity et H21 Special Opportunities, et enfin, membre uniquement de H21 Active Alpha. Vers 2010 ou 2011 il quitte H21 pour lancer sa propre société de gestion de fonds. Pour conclure on observe la chose suivante : DS entre à H21, prend la direction, tout va bien, puis s’en suit une série de fusions des filiales et clôture des fonds, puis DS quitte H21. Vu sa position de directeur au moment l’entreprise semble subir des chamboulements, vu, aussi, son départ à ce moment là, ont peut se demander si son activité a été préjudiciable à H21. Suppositions car on n’a pas plus d’éléments.

H21 : nomination et Oscar aux Paradise Papers Awards
Le offshore leaks database, mené par l’International Consortium of Investigative Journalists fait l’inventaire des toutes les sociétés et fonds mentionnés dans les fameux Paradise Papers. Et devinez qui est nommé sur ce site ? H21. Plus précisément le fonds Horizon21 Private Equity⁵ situé aux îles Cayman. Comme mentionné plus haut. DS fut directeur de ce fonds de 2008 à 2010.

L’aventure Active Alpha⁹
En 2010, au moment ou il quitte H21, il lance AA, sa propre société de gestion de fonds d’investissement. La société semble gérer un seul fonds appelé « AA Equity ». AA est enregistrée au registre du commerce en août 2010 avec 2M de capital action. Le site internet tel qu’il était à ce moment la peut être simulé sur archive.org [ L’entreprise est au jour de la rédaction de cet article en liquidation et le site internet existe encore mais est totalement vide, à pars une vague description… ] On y trouve quelques articles de presse dans lequel il vante les mérites de son fonds, gérant 160 millions d’actifs au moment de l’article et ayant une capacité de 1 milliard.

Marcel Röhner et les collègues de UBS
Confirmant l’article du Blick, Marcel Röhner était dans l’affaire AA. Pour information, Marcel Röhner a été CEO² du département « Wealth Management and Business Banking » chez UBS, de 2002 et 2007. Puis, CEO de la banque de 2007 à 2009. Inutile de développer ici sur ce sujet mais il faut retenir qu’il fut à la direction d’UBS juste avant la grande crise de 2008 2009 qui coûta des dizaines de milliards à la confédération. Qu’il fit l’objet de nombreuses accusations suite à cet événement. Michael Uebersax et Silvio Zgraggen deux anciens collègues de DS à UBS, était également de l’équipe AA.

Le fonds AA Equity de Active Alpha : DS a-t-il perdu sa réputation ?
Quelques manipulations sur le site en apparence vide m’ont permis de faire une découverte intéressante. Les PDF des rapports annuels du fonds AA Equity sont toujours sur le site. Vous pouvez les consulter.⁶ Constatation : jusqu’à février 2011 tout semble aller bien. La liste des investisseurs n’est pas composée de monsieur tout le monde. Que des grandes multinationales, bien connues. Ainsi que dans les « Short Exposures, des grands groupes automobiles Allemands, entre autre. Puis un retrait massif des investisseurs vers juin 2011 on se demande pourquoi. Puis le fonds continue à plonger et… touche le fonds. En novembre 2012, il est clos et plus rien. Depuis lors, la société AA est en mort cérébrale. À l’heure de l’écriture de cet article, la société est inscrite en liquidation avec un capital action de 250 000 CHF. On ne sais pas si il y a eu des pertes ou si le capital à été transféré dans une autre affaire. DS en tant que gestionnaire n’a peut être rien perdu, mais il a probablement perdu sa réputation, car après cela il ne semble plus avoir d’activité en tant que gestionnaire de fonds d’investissements.

Grasshopper
Durant la période de mi 2010 à début 201, DS occupe un poste clé à Grasshopper⁷ [ Le monde est petit ] probablement pour de la levée de fonds. Je n’ai pas cherché plus à ce sujet.

Après AA, DS se lance dans l’immobilier et d’autres activités
Vers fin 2016, DS est impliqué dans la nouvelle société Serafe. Mais il aura également d’autres activités:
En septembre 2019, DS lance une société d’immobilier appelée Raphita. C’est une société familiale puisque tous les membres sont des Schweizer. Voila qui sent la reconversion. Cette société est encore en activité.
De début 2021 à fin 2022 DS est impliqué dans une société appelée BLNS, aujourd’hui en liquidation. Voici en traduction, le statut de cette entreprise:
« Développement, production et distribution de solutions matérielles et logicielles, notamment dans le domaine de l’identification et de l’authentification des personnes physiques et morales et de leurs données, ainsi que des technologies et services de sécurité associés. »
Chose intéressante : un autre membre de BLNS est Werner Krauer¹⁰, qui n’est autre que l’actuel président du conseil d’administration de Serafe….

Conclusion et questionnements
Si DS souhaite rester très discret, c’est il a quelque chose à cacher. Ceci a certainement un lien avec son passé dans les Hedgefunds et son probable discrédit dans le milieu. Ainsi qu’avec la mention de H21 dans les Paradise Papers, et bien sur son lien avec le dossier UBS. Une telle personne à la tête d’un organe public, ayant fait l’objet d’une votation fédérale, cela pose de sérieuses questions. : Pourquoi prendre le risque d’essuyer des critiques alors qu’il suffirait de placer une personne propre et sans histoire ? A-t-on vérifié son passé ? Comment est-il arrivé là, alors que son expérience ne concorde pas avec le domaine d’activité de Serafe ? (La gestion de Hedge fund et la collecte d’argent publique pour les médias, c’est pas vraiment le même domaine….). La société Serafe utilise-t-elle l’argent collecté pour des investissements à risque ? Tout cela, on ne peut y répondre, car on ne dispose pas suffisamment d’éléments. Cet article fut un peu indigeste mais je souhaitais répondre en détails à la question posée dans le titre. Lorsque je me suis par hasard posé cette question « pour rire » je ne pensais pas tomber sur tant d’informations…. Ce que disent les médias, ça n’est même pas la pointe de l’iceberg, ce n’est qu’une minuscule histoirette pour enfants de celles qu’on donne aux bébés et qui tiennent sur 4 pages en cartons. Et la réalité est un bibliothèque, et, encore, il ne s’agit que de ce qui est visible sur internet.

Cet article sur Daniel Schweizer se termine ici. Merci à vous qui l’avez lu jusqu’au bout.

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À propos des notes :
– Les chiffres ne se suivent pas forcément dans le texte.
– Le dossier source est à télécharger ci-dessous après les notes

Dossier-Serafe-Schweizer